De nouvelles recherches ont montré qu’une simple horloge circadienne possède de puissantes capacités de filtrage du bruit, ce qui nous permet de mieux comprendre comment les circuits biologiques conservent leur précision dans des environnements naturels dynamiques. L’étude met en évidence la remarquable capacité des horloges circadiennes à s’adapter aux fluctuations de l’environnement tout en conservant leur précision. Ces résultats sont importants pour comprendre comment les organismes – des bactéries à l’homme – mesurent le temps en réponse à des changements externes tels que la lumière et la température causées par la rotation de la Terre sur 24 heures.
L’étude, publiée dans Nature Communications et impliquant des chercheurs du Sainsbury Laboratory de l’université de Cambridge, de l’Imperial College London, de l’université de Warwick et du Forschungszentrum Jülich, a révélé que l’horloge circadienne filtre sélectivement les fluctuations des signaux environnementaux, tels que les changements de durée et d’intensité de la lumière. Cela permet à l’horloge d’ignorer les perturbations mineures tout en réagissant aux changements environnementaux importants.
L’horloge circadienne peut faire la distinction entre les stimuli significatifs et le bruit ambiant
Quiconque a déjà traversé plusieurs fuseaux horaires et subi un décalage horaire sait à quel point nos horloges biologiques nous influencent. En fait, chaque cellule du corps humain possède sa propre horloge moléculaire qui régule les cycles quotidiens sur une période de 24 heures. Il est important que les horloges internes des cellules restent synchronisées sur de longues périodes, mais aussi qu’elles puissent s’adapter aux changements de l’environnement. L’atténuation progressive des symptômes du décalage horaire illustre la façon dont nos horloges internes s’adaptent à ces nouvelles conditions en ajustant notre horloge circadienne au nouveau cycle jour-nuit dans un fuseau horaire différent.
La plupart des organismes vivants ont également des horloges internes qui contrôlent les fonctions biologiques. Les plantes, par exemple, doivent savoir quand préparer leur appareil photosynthétique pour l’arrivée de l’aube. Comme l’aube se lève plus tôt chaque jour du printemps à l’été, les horloges circadiennes des plantes doivent s’adapter aux différentes durées des jours. Cependant, elles ne doivent pas être tentées par le passage d’un nuage pour interrompre leur processus de récolte de la lumière. Pour comprendre comment l’horloge circadienne fait la distinction entre les stimuli significatifs et le bruit environnemental tel que les changements temporaires de lumière, le groupe Locke du Sainsbury Laboratory de Cambridge a utilisé l’organisme connu le plus simple doté d’une horloge circadienne, une cyanobactérie appelée Synechococcus elongatus. Cet organisme unicellulaire d’eau douce est photosynthétique et, comme les plantes, il a besoin de garder la notion du temps pour tirer le meilleur parti du temps qu’il passe à la lumière.
Les horloges des cyanobactéries sont extrêmement robustes
Sasha Eremina, premier auteur de l’étude, qui a mené les recherches dans le cadre de son doctorat, a déclaré : « Nous avons d’abord étudié l’horloge intrinsèque des cyanobactéries : « Nous avons d’abord étudié la précision intrinsèque des rythmes circadiens sous lumière continue. Pour ce faire, nous avons mis au point un dispositif microfluidique appelé « Green Mother Machine » pour maintenir la cellule mère d’origine au sommet de la chambre de croissance afin de pouvoir l’imager à l’aide d’une microscopie à fluorescence à long terme. Grâce à ce dispositif, nous avons pu observer la croissance des cellules individuelles et l’expression des gènes sur plusieurs jours avec une précision qui n’était pas possible dans les études précédentes ».
L’équipe a commencé à travailler sur la machine mère verte en 2016, en se basant sur des conceptions antérieures de machines mères développées pour des bactéries non photosynthétiques. Il s’est avéré que les cyanobactéries sont beaucoup plus difficiles à cultiver dans ces microenvironnements que les autres microbes. « Il a fallu des années d’expérimentation pour relever les défis techniques et s’assurer que nous disposions du bon matériau pour les tubes, de la bonne conception de la puce et de la bonne intégration avec le système de contrôle de la lumière afin de ne pas endommager la photosynthèse et les membranes cellulaires », a déclaré le Dr Bruno Martins, de l’université de Warwick. Les chercheurs ont montré que les horloges cyanobactériennes sont exceptionnellement robustes malgré la perturbation constante des composants de l’horloge et des mécanismes de régulation par le bruit cellulaire. Cette robustesse permet aux cellules de rester synchronisées pendant des centaines de jours.
Comment les circuits biologiques peuvent fonctionner avec précision dans des environnements naturels
L’horloge des cyanobactéries se compose de trois protéines Kai qui se lient et se séparent constamment sous l’influence d’un processus biochimique appelé phosphorylation, ce qui donne lieu à un cycle rythmique de 24 heures. À l’aide de modèles mathématiques et de la mutagenèse, les chercheurs ont pu montrer que cette robustesse est enracinée dans le cœur de l’oscillateur basé sur la protéine Kai et non dans le réseau plus large de régulation des gènes. Cette découverte est prometteuse pour ceux qui travaillent sur les applications de la biologie synthétique, où des systèmes stables de mesure du temps sont essentiels.
Les chercheurs ont également exposé l’horloge cyanobactérienne à des cycles complexes de lumière et d’obscurité, y compris dans des environnements artificiels et naturels, afin de comprendre comment elle s’adapte aux changements climatiques quotidiens. Fait remarquable, ils ont reproduit des schémas de lumière météorologique réalistes de la mer des Caraïbes, auxquels les horloges cellulaires ont répondu d’une manière prédite par leur modèle mathématique. Malgré les différentes conditions lumineuses, l’horloge cyanobactérienne a fait preuve d’une remarquable capacité à filtrer le bruit environnemental tout en conservant une certaine sensibilité aux changements de l’environnement. Selon les chercheurs, leurs résultats illustrent comment un simple réseau d’horloges peut présenter des propriétés complexes de filtrage du bruit et permettent d’approfondir notre compréhension de la manière dont les circuits biologiques peuvent fonctionner avec précision dans les environnements naturels.