Le microbiome intestinal des nourrissons oscille selon un rythme circadien, même lorsqu’il est cultivé en dehors du corps. Des chercheurs rapportent dans la revue Cell Host & Microbe que ce rythme est détectable dès deux semaines après la naissance, mais qu’il s’accentue avec l’âge. Ces résultats sont issus d’un essai contrôlé randomisé qui a également montré que l’alimentation a moins d’influence sur le développement et la composition du microbiome infantile qu’on ne le pensait auparavant.
L’alimentation a peu d’effet sur la croissance des nourrissons ou sur les différences de leur microbiome intestinal
Les chercheurs dirigés par Dirk Haller, premier auteur et expert en microbiome de l’Université technique de Munich, ont découvert que l’écosystème microbien développe ces rythmes circadiens à un âge très précoce de la colonisation. Les experts avaient déjà démontré l’existence de ces rythmes chez les adultes, mais ils ne savaient pas exactement quand ces mécanismes apparaissaient pour la première fois. Alors que l’alimentation n’a qu’une influence mineure sur le développement du microbiome intestinal du nourrisson, les chercheurs ont montré que l’âge joue un rôle plus important. L’alimentation joue un rôle, mais moins que le vieillissement de l’intestin. Lorsqu’ils ont comparé les nourrissons allaités et pré-nourris, les différences dans la colonisation du microbiome étaient marginales.
Dans une étude randomisée et contrôlée, les chercheurs ont comparé le développement du microbiome de nourrissons nourris exclusivement au sein à celui de nourrissons ayant reçu différents types de préparations pour nourrissons : Préparation pour nourrissons sans suppléments, préparation pour nourrissons avec des bactéries dérivées du lait maternel (bifidobactéries), préparation pour nourrissons avec des sucres imitant le lait maternel (galacto-oligosaccharides, GOS) ou préparation pour nourrissons avec des bifidobactéries et des GOS. Au total, 210 nourrissons ont participé à l’étude. Pour suivre le microbiome des nourrissons de manière longitudinale, l’équipe a prélevé des échantillons de selles à 0,5 mois, 1 mois, 3 mois, 7 mois et 12 mois, ainsi qu’à 24 mois pour un sous-groupe de nourrissons. Ils ont également noté le moment de la journée où l’échantillon de selles a été prélevé.
Les chercheurs ont constaté que le régime alimentaire avait peu d’effet sur la croissance des nourrissons ou sur les différences dans le microbiome des nourrissons. Malgré de grandes différences, tous les nourrissons ont montré une augmentation progressive de la diversité des microbes intestinaux et, après 24 mois, il n’y avait pas de différence perceptible entre les groupes. En comparant les différents types de préparations pour nourrissons, les chercheurs ont constaté que les préparations pour nourrissons enrichies en GOS favorisaient davantage la présence durable de bifidobactéries que les préparations pour nourrissons contenant des bifidobactéries.
Les bactéries intestinales ont un mécanisme intrinsèque qui permet une sorte d’adaptation au cycle jour-nuit.
Cependant, il y avait une différence significative dans le profil des métabolites intestinaux entre les bébés nourris exclusivement au sein et ceux nourris avec des préparations pour nourrissons. L’environnement métabolique intestinal diffère considérablement entre les nourrissons nourris exclusivement au sein et ceux nourris au lait maternisé, ce qui pourrait avoir un impact fondamental sur l’amorçage métabolique et de nombreux effets en aval. On peut donc conclure que le lait maternel a un effet complètement différent sur le métabolisme de l’intestin du nourrisson.
Les chercheurs ont également observé des fluctuations rythmiques sur 24 heures de l’abondance des différentes espèces du microbiome. Lorsqu’ils ont prélevé des microbes chez des nourrissons et les ont cultivés en continu en laboratoire, les bactéries ont adopté le même rythme circadien, même en l’absence de lumière extérieure ou d’indices de l’hôte. Bien que des rythmes circadiens aient déjà été observés dans les microbiomes adultes, il s’agit de la première preuve que les bactéries maintiennent ces rythmes de manière indépendante. Lorsqu’elles sont retirées, elles conservent ces oscillations diurnes. Selon les chercheurs, ce résultat est assez surprenant car il suggère que les bactéries disposent d’un mécanisme intrinsèque qui leur permet de s’adapter au cycle jour/nuit, ce qui pourrait leur donner un avantage dans la colonisation de l’intestin humain.
Les scientifiques prévoient d’approfondir l’étude des rythmes circadiens du microbiome dans de futures études. Ils souhaitent notamment déterminer si les espèces bactériennes individuelles conservent leurs rythmes lorsqu’elles sont isolées plutôt que cultivées en communautés complexes, et rechercher les gènes qui contrôlent ces rythmes. La prochaine question pour eux est de savoir s’ils peuvent identifier des mécanismes dans les bactéries qui contrôlent leur comportement circadien.