En utilisant de minuscules organes hépatiques artificiels dérivés de cellules de donneurs humains, les chercheurs ont découvert que de nombreux gènes impliqués dans le métabolisme des médicaments sont soumis à un contrôle circadien. Ces fluctuations circadiennes influent sur la quantité de médicament disponible et sur l’efficacité avec laquelle l’organisme peut le dégrader. Par exemple, ils ont constaté que les enzymes qui dégradent le Tylenol et d’autres médicaments sont plus abondants à certaines heures de la journée. L’administration de médicaments à différents moments de la journée pourrait avoir un impact significatif sur la façon dont ils sont métabolisés dans le foie. Au total, les chercheurs ont identifié plus de 300 gènes hépatiques qui suivent une horloge circadienne, dont beaucoup sont impliqués dans le métabolisme des médicaments ainsi que dans d’autres fonctions telles que l’inflammation.
L’analyse de ces rythmes pourrait aider les chercheurs à mettre au point de meilleurs schémas de dosage pour les médicaments existants. L’une des premières applications de cette méthode pourrait être la mise au point de médicaments déjà approuvés afin d’en maximiser l’efficacité et d’en minimiser la toxicité. L’étude a également montré que le foie est plus sensible aux infections telles que le paludisme à certains moments du cycle circadien, lorsque moins de protéines inflammatoires sont produites. Bhatia est l’auteur principal de cette nouvelle étude, qui a été publiée dans Science Advances. L’auteur principal de l’étude est Sandra March, associée de recherche à l’IMES.
Comment les cycles circadiens affectent la fonction hépatique
On estime qu’environ 50 % des gènes humains suivent un cycle circadien et qu’un grand nombre de ces gènes sont actifs dans le foie. Cependant, l’étude des effets de ces cycles sur la fonction hépatique s’est avérée difficile car nombre de ces gènes ne sont pas identiques chez la souris et chez l’homme, de sorte qu’il n’est pas possible d’utiliser des modèles de souris pour les étudier. Le laboratoire de Bhatia a déjà mis au point une méthode pour cultiver des foies miniaturisés à partir de cellules hépatiques (hépatocytes) provenant de donneurs humains. Dans cette étude, elle et ses collègues ont voulu savoir si ces foies artificiels avaient leur propre horloge de 24 heures.
En collaboration avec le groupe de Charles Rice de l’Université Rockefeller, ils ont identifié des conditions de culture qui favorisent l’expression circadienne d’un gène d’horloge appelé Bmal1. Ce gène, qui contrôle l’expression cyclique d’une variété de gènes, a permis aux cellules hépatiques de développer des oscillations circadiennes synchronisées. Les chercheurs ont ensuite mesuré l’expression des gènes dans ces cellules toutes les trois heures pendant 48 heures et ont pu identifier plus de 300 gènes exprimés par vagues.
La plupart de ces gènes se répartissaient en deux groupes : environ 70 % des gènes atteignaient un pic en même temps que les autres, tandis que les 30 % restants atteignaient un pic au moment où les autres atteignaient un pic. Il s’agit de gènes impliqués dans diverses fonctions, notamment le métabolisme des médicaments, le métabolisme du glucose et des graisses, ainsi que divers processus immunitaires. Une fois que les foies modifiés ont établi ces cycles circadiens, les chercheurs ont pu les utiliser pour étudier la façon dont les cycles circadiens affectent la fonction hépatique. Ils ont tout d’abord examiné l’influence de l’heure de la journée sur le métabolisme des médicaments en étudiant deux médicaments différents : l’acétaminophène (Tylenol) et l’atorvastatine, un médicament utilisé pour traiter l’hypercholestérolémie.
Lorsque le Tylenol est décomposé dans le foie, une petite quantité du médicament est transformée en un sous-produit toxique connu sous le nom de NAPQI. Les chercheurs ont constaté que la quantité de NAPQI produite peut varier de 50 % en fonction du moment de la journée où le médicament est administré. Ils ont également constaté que l’atorvastatine présente une toxicité plus élevée à certains moments de la journée. Les deux médicaments sont métabolisés en partie par une enzyme appelée CYP3A4, qui a un cycle circadien. Le CYP3A4 est impliqué dans le traitement d’environ 50 % de tous les médicaments, c’est pourquoi les chercheurs prévoient maintenant de tester d’autres médicaments avec leurs modèles de foie.
Les chercheurs du MIT travaillent actuellement avec des collègues pour analyser un médicament anticancéreux qu’ils soupçonnent d’être affecté par les cycles circadiens, et ils espèrent étudier s’il en va de même pour les médicaments utilisés dans le traitement de la douleur.
Susceptibilité aux infections
Un grand nombre des gènes du foie qui présentent un comportement circadien sont impliqués dans les réponses immunitaires telles que l’inflammation, et les chercheurs se sont donc demandé si cette variation pouvait affecter la sensibilité aux infections. Pour répondre à cette question, ils ont exposé les foies manipulés à Plasmodium falciparum, un parasite responsable de la malaria, à différents moments du cycle circadien. Ces études ont montré que les foies étaient plus susceptibles d’être infectés après une exposition à différents moments de la journée. Cela est dû à des différences dans l’expression de gènes appelés gènes stimulés par l’interféron, qui contribuent à la suppression des infections.
Les chercheurs supposent que ces fluctuations cycliques sont dues au fait que le foie atténue sa réponse aux agents pathogènes après les repas, lorsqu’il est normalement exposé à un afflux de micro-organismes susceptibles de déclencher une inflammation, même s’ils ne sont pas réellement nocifs. Le laboratoire de Bhatia tire à présent parti de ces cycles pour étudier des infections qu’il est normalement difficile d’établir dans des foies artificiels, notamment les infections paludéennes causées par des parasites autres que Plasmodium falciparum.
C’est très important pour la recherche, car en installant simplement le système et en choisissant le bon moment pour l’infection, les experts peuvent augmenter le taux d’infection de leur culture de 25 % et permettre ainsi des études sur les médicaments qui ne seraient pas réalisables autrement.