Il s’agit de l’argument classique de la « poule ou de l’œuf » : Qu’est-ce qui est apparu en premier dans l’évolution de toutes les espèces animales : le sommeil ou le cerveau ? Lorsque l’on s’intéresse à l’origine du sommeil, la question conduit souvent à des spéculations sur l’évolution de cet acte biologique impératif. De nouvelles recherches continuent d’éclairer ce débat fascinant.
Le sommeil est universel
Une chose est clairement comprise : le sommeil est universel dans le règne animal. Les scientifiques ont eu du mal à trouver des animaux qui n’ont pas besoin de dormir. Alors que certaines espèces passent la quasi-totalité de leur vie en sommeil, d’autres animaux peuvent se contenter d’une heure de sommeil par cycle de 24 heures. Cependant, la vérité universelle est que le sommeil et le besoin de se reposer se manifestent d’une manière ou d’une autre.
Rôle du sommeil dans l’évolution
La recherche a démontré que le sommeil pourrait avoir évolué comme un moyen pour les animaux de conserver et de restaurer leurs réserves d’énergie. Même les invertébrés les plus simples éprouvent le besoin de se reposer, à l’instar des organismes les plus complexes.
Par exemple, les mouches des fruits présentent des rythmes circadiens bien définis qui imitent les rythmes de repos des humains. Ces mouches simples se reposent environ 10 heures par jour. Si elles ne parviennent pas à se reposer aussi longtemps, elles se rattrapent plus tard, ce qui montre que le repos est une fonction biologique essentielle.
Le besoin qu’ont les mouches des fruits de rattraper leur sommeil est similaire au besoin qu’ont les humains de rattraper leur sommeil après une nuit agitée. Les scientifiques ont également découvert qu’à l’instar des vertébrés plus complexes, les invertébrés présentent une activité neuronale similaire à celle qui se produit dans le cerveau des vertébrés lorsqu’ils dorment.
À la lumière de ces similitudes, les scientifiques ont pu déduire que le sommeil est un processus évolutif apparu il y a plus d’un demi-milliard d’années. Les animaux ayant évolué au fil des siècles, il semble que ces formes de sommeil aient suivi l’évolution naturelle des espèces.
La recherche confirme l’origine du sommeil
Alors que les scientifiques ont émis pendant des années l’hypothèse que le besoin de dormir est universel chez tous les types d’animaux, il existe aujourd’hui des preuves qui tendent à prouver que les animaux ont acquis le besoin de dormir avant même d’avoir un cerveau.
Dans une étude récente publiée l’automne dernier dans la revue Science Advances, une équipe de chercheurs explique comment elle a pu mieux comprendre l’origine du besoin de sommeil chez les animaux en observant de minuscules hydres. Cette minuscule espèce animale vivant dans l’eau est si simple qu’elle n’a même pas de cerveau. Cependant, les chercheurs ont pu prouver que cet animal présentait des signes d’entrée et de sortie d’un état de sommeil malgré l’absence de système nerveux central.
Les hydres ne mesurent que quelques centimètres de long. Bien que leur corps abrite un réseau de nerfs, elles n’ont pas le système nerveux central associé à un cerveau. Chez la plupart des autres types d’animaux, le sommeil est généralement mesuré par les ondes cérébrales. Toutefois, cela n’est pas possible lorsqu’il s’agit de petites créatures sans cerveau comme les hydres. En raison de cette limitation, les scientifiques se sont appuyés sur un système vidéo pour suivre les mouvements des hydres. Cela leur a permis de déterminer si l’animal était dans un état de veille ou de sommeil.
Alors que la plupart des animaux présentent un rythme circadien de 24 heures, les scientifiques ont pu constater que les hydres avaient un cycle de quatre heures, passant d’un état actif à un état de sommeil. En outre, les chercheurs ont appris qu’il existait des schémas similaires de régulation du sommeil aux niveaux moléculaire et génétique, bien que les hydres n’aient pas de cerveau.
Par exemple, lorsqu’ils sont exposés à la mélatonine et au neurotransmetteur inhibiteur GABA, les hydres connaissent une augmentation modérée de la fréquence et de la durée du sommeil. À l’inverse, l’exposition des hydres à la dopamine, un stimulant excitant, a favorisé l’augmentation des cycles de sommeil chez les hydres.
Enfin, les scientifiques ont réussi à perturber les cycles de sommeil des hydres en utilisant des vibrations ou en modifiant la température de l’eau. Lorsque les cycles ont été perturbés, les hydres ont dormi plus longtemps par la suite pour rattraper le repos qu’elles avaient manqué à cause de la perturbation.
Ces nouvelles recherches complètent les connaissances existantes qui ont montré que les méduses présentent également des périodes de repos en l’absence d’un système nerveux central et d’un cerveau formels. L’enseignement que l’on peut tirer de cette recherche est que les animaux ont probablement acquis tous les mécanismes liés au sommeil avant que le système nerveux central ne se développe.
Pourquoi ces connaissances sont-elles importantes ?
Pourquoi est-il si important de comprendre l’origine du sommeil ? Lorsque les scientifiques en apprennent davantage sur l’évolution du sommeil, cela leur permet également d’en savoir plus sur la fonction de cette action biologique essentielle. Ces connaissances aident les chercheurs médicaux à mieux comprendre les troubles du sommeil afin de pouvoir les traiter plus efficacement.
Compte tenu de la prévalence des troubles du sommeil dans la population, plus on comprendra cette fonction vitale de l’organisme, plus les scientifiques seront en mesure de fournir des traitements aux personnes qui en ont besoin.